Haïti renforce son adaptation climatique avec un cadre national de suivi, évaluation et apprentissage pour son Plan National d’Adaptation

Les participants issus des ministères, des autorités locales, de la société civile et des institutions techniques se sont réunis lors de l’un des ateliers régionaux contribuant à l’élaboration du cadre national de suivi, évaluation et apprentissage du Plan National d’Adaptation d’Haïti. (Crédit : l’équipe de communication du ministère de l’Environnement d’Haïti.)

Face à une vulnérabilité climatique parmi les plus élevées au monde (ouragans récurrents, sécheresses, inondations et érosion des sols), Haïti a franchi une étape majeure en janvier 2023 avec la soumission officielle de son Plan National d’Adaptation (PNA) à la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques. Aligné sur la Politique Nationale de Lutte contre les Changements Climatiques (2019) et la Contribution Déterminée au niveau National (2021), le plan 2022 – 2030 définit 340 mesures, dont 21 prioritaires dans quatre secteurs : l’agriculture, la santé, les infrastructures et les ressources en eau.

« La mise en œuvre du PNA représente un chantier d’envergure nationale nécessitant des ressources considérables et un suivi rigoureux, » souligne Madame Gerty Pierre, Directrice de la Direction des Changements Climatiques du ministère de l’Environnement.

C’est dans cette optique qu’a été élaboré en 2025 un cadre national de suivi, évaluation et apprentissage (SEA), fruit d’un partenariat entre le ministère de l’Environnement (MDE) et le Réseau mondial de PNA, avec le soutien d’Irish Aid. Dirigé par le Dr Constantin Joseph, ce cadre vise à doter Haïti d’un dispositif cohérent pour mesurer les progrès, capitaliser les apprentissages et renforcer la redevabilité en matière d’adaptation.

Une approche participative et inclusive

Le développement du cadre de SEA s’est fondé sur un diagnostic approfondi des pratiques existantes, révélant à la fois des acquis (comme le Système d’Information Environnementale [SIE-Haïti]) et des lacunes : l’absence de cadre légal harmonisé, une faible coordination institutionnelle et une dépendance financière externe.

Entre mai et juillet 2025, quatre ateliers de groupes à intérêts multiples ont réuni 161 participants à Port-au-Prince, Cap-Haïtien, Les Cayes et Fond-des-Nègres, permettant de co-construire la structure du cadre avec les contributions des ministères, collectivités, universités, organisations communautaires et partenaires techniques et financiers.

« L’approche a combiné expertise technique et dialogue social, » explique le Dr Constantin Joseph, ingénieur agronome et docteur en sciences, consultant principal ayant dirigé le développement du cadre de SEA du PNA d’Haïti. « Chaque atelier a permis d’impliquer activement les participants dans le choix des priorités et des indicateurs. »

Des indicateurs sectoriels pragmatiques et mesurables

L’un des principaux résultats du processus est l’identification d’un noyau d’indicateurs sectoriels (10 par secteur), sélectionnés pour leur pertinence, leur faisabilité et la disponibilité des données.

  • L’agriculture : la part d’exploitations utilisant des semences tolérantes à la sécheresse, la proportion de terres protégées contre l’érosion, et le nombre de ménages affectés.
    • La santé : les cas de maladies vectorielles (paludisme, dengue), les structures sanitaires résilientes aux changements climatiques, et la couverture des systèmes d’alerte.
    • Les infrastructures : les bâtiments endommagés, les coûts annuels des dommages, et les plans d’urbanisme intégrant l’adaptation.
    • Les ressources en eau : le débit des rivières en période sèche, les systèmes de collecte d’eau de pluie, et la proportion de ménages utilisant des techniques d’économie d’eau.

Les indicateurs sont ventilés par genre, âge et territoire, assurant un suivi inclusif et équitable.

Une architecture de gouvernance à trois niveaux

Le cadre de SEA repose sur une gouvernance à multiples niveaux :

  1. Le Comité national de pilotage du cadre de SEA, sous l’autorité du MDE, est chargé des orientations stratégiques et de la mobilisation des ressources.
  2. L’unité technique du cadre de SEA, hébergée à la Direction des Changements Climatiques, est responsable de la coordination, de la collecte des données et de la formation des points focaux sectoriels.
  3. Les points focaux sectoriels et territoriaux sont chargés de la collecte d’informations sur le terrain et de leur intégration dans le système national.

Cette architecture favorise une circulation ascendante et descendante de l’information, assurant que les données du terrain orientent directement les décisions politiques.

Enseignements et perspectives

Les participants prennent part à une discussion de groupe lors de l’atelier. (Crédit : l’équipe de communication du MDE d’Haïti.)

Ce processus a confirmé la valeur d’une approche participative et adaptative. Les ateliers ont permis à la fois de planifier, de former et de sensibiliser les acteurs aux principes du système de SEA et de la résilience climatique. Le SIE-Haïti a été identifié comme socle de données central, clé pour la transparence et le suivi des progrès.

Des défis subsistent toutefois, notamment l’absence d’un cadre juridique cohérent, la dépendance aux financements externes et le besoin de renforcer les capacités. Mais le processus a jeté les bases d’un apprentissage collectif durable.

Une feuille de route ambitieuse jusqu’en 2030

La mise en œuvre du cadre de SEA s’articule autour d’une feuille de route progressive :

  • 2026 : la finalisation des indicateurs, l’adoption du cadre juridique, et la formation des points focaux.
  • 2027 – 2028 : le déploiement des outils numériques et des premiers rapports de SEA.
  • 2028 – 2029 : l’extension au niveau national et la tenue de forums annuels d’apprentissage.
  • 2029 – 2030 : l’évaluation externe et l’intégration dans la planification post-2030.

« Le SEA traduit une conviction partagée : l’adaptation ne peut réussir que si elle est pensée comme un processus vivant, participatif et évolutif, » souligne l’ingénieur Hugo Coles, coordonnateur du Secrétariat Technique de la Direction Générale du MdE.

Vers une résilience collective

Avec son cadre de SEA, Haïti se dote d’un instrument stratégique de gouvernance et de transparence essentiel pour suivre la mise en œuvre du PNA et renforcer la redevabilité envers ses citoyens et partenaires. En alliant rigueur technique, inclusion et apprentissage collectif, le pays jette les bases d’une résilience climatique durable et partagée.

 

Vous pouvez consulter l’intégralité du cadre de SEA du PNA d’Haïti ici.

 

Auteurs : Dr Constantin Joseph, ingénieur agronome et consultant principal pour l’élaboration du cadre de SEA du PNA d’Haïti, et Krystel Montpetit, experte principale en SEA de l’adaptation aux changements climatiques, Réseau mondial de PNA.