Changer les comportements pour faire progresser l’égalité des genres dans l’action climatique : L’exemple du Tchad

Par Julie Dekens, chercheuse principale, Institut International du Développement Durable (IIDD)

Pour assurer un processus de plan national d’adaptation (PNA) qui répond aux questions de genre, il est essentiel de bien connaître les acteurs de ce processus – pas uniquement leurs connaissances mais aussi leurs attitudes et leurs comportements relatifs à l’égalité des genres dans le domaine de l’action climatique.

En 2021, le Réseau mondial de PNA a travaillé avec le Ministère de l’Environnement au Tchad pour mieux comprendre ces dynamiques et en tirer des leçons pour le développement de son processus de PNA. Notre analyse et nos conclusions sont disponibles dans le nouveau rapport “Connaissances, attitudes et comportements en lien avec le genre et les changements climatiques au Tchad : Pistes de réflexion pour éclairer le processus de PNA.”

Savoir

L’amélioration des connaissances peut influer sur le degré d’importance accordé à un sujet et générer des changements volontaires chez certaines personnes et organisations.

Les individus sont plus enclins à s’engager dans une action climatique qui répond aux questions de genre lorsqu’ils comprennent comment et pourquoi les changements climatiques impactent les hommes et les femmes, les filles et les garçons différemment. Dans le cas contraire, les incompréhensions peuvent aboutir à des comportements inadéquats qui renforcent les inégalités de genre dans l’action climatique ou même qui en créent de nouvelles. Cependant, il est très clair que l’amélioration des connaissances en tant que telle est rarement suffisante pour motiver les acteurs et changer les comportements.

Bitkine, Chad - February 20,2020: A woman is transporting goods with a push cart in the crowded city of Bitkine, which is an important trading place in Central Chad.
Une femme transporte des marchandises à l’aide d’une charrette dans la ville surpeuplée de Bitkine, au centre du Tchad : pour garantir un PNA sensible au genre, il est essentiel d’acquérir une compréhension détaillée des acteurs impliqués dans le processus.

Au Tchad, les résultats de l’enquête révèlent qu’il y a un certain niveau de connaissances sur le lien entre le genre et les changements climatiques parmi les acteurs nationaux enquêtés. Cependant, ces connaissances ne sont pas uniformes et de grandes lacunes persistent. Le faible leadership politique en matière d’égalité, couplé au manque d’information relative au genre, entraîne une compréhension limitée du concept du genre et de sa pertinence pour les politiques d’adaptation aux changements climatiques.

Se positionner

Les attitudes des acteurs sur les questions de genre (que ce soit à la maison, au travail ou au sein de la communauté) sont un autre facteur qui influence leur motivation à s’engager pour la cause. Si la question de l’égalité des genres n’est pas une préoccupation pour les acteurs, alors il y a peu de chances que ceux-ci aient l’intention de s’engager sur ce thème. Les attitudes sont influencées par différents éléments tels que notre environnement, notre expérience, notre affiliation politique, les normes sociales et nos valeurs.

Au Tchad, notre enquête révèle que les attitudes semblent majoritairement favorables à la prise en compte du genre dans les politiques, stratégies et programmes d’adaptation aux changements climatiques, bien que d’autres formes de discrimination soient perçues comme étant plus importantes. En revanche, une part non négligeable des participants ont des attitudes favorables envers des pratiques qui vont à l’encontre des droits des femmes telles que l’utilisation de la violence contre les femmes, ou encore les mariages précoces.

Agir

La recherche montre qu’il n’y a pas de corrélation claire entre les valeurs des gens, leurs attitudes déclarées et leurs actions réelles. Bien souvent, on ne peut pas changer les comportements uniquement en ciblant et en changeant les attitudes des gens.

Comme le souligne le dernier rapport spécial du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC, 2018), l’urgence climatique requiert de nombreux changements qui ne sont pas seulement d’ordre financier, institutionnel ou légal. Un changement au niveau des comportements, tant individuel que collectif et organisationnel, et de notre façon de vivre, est aussi nécessaire.

Les sciences comportementales indiquent que pour changer les comportements, il est important de combiner différents leviers — pas seulement les leviers traditionnels liés à l’information (par exemple par le biais de l’éducation), aux règles et régulations (par exemple à travers les quotas) et aux incitations matérielles — mais aussi de faire appel à l’émotionnel ou aux influences sociales et de changer le contexte dans lequel les choix sont faits.

Portrait of Toubou, or Tubu people - 10 november 2018 Demi village at Fada, Ennedi, Cha
Portrait du peuple Tubu à Fada, Ennedi, Tchad : un manque de compréhension peut conduire à un comportement inapproprié qui renforce les inégalités entre les sexes dans l’action climatique.

Au Tchad, notre analyse révèle que les organisations de la société civile sont les sources d’information privilégiées des participants sur les questions de genre. Ces organisations constituent des parties prenantes incontournables pour les efforts d’adaptation car elles travaillent déjà sur des projets qui visent à soutenir le développement des populations les plus marginalisées et à promouvoir les droits des femmes.

L’étude faite au Tchad fournit un point de référence pour le gouvernement et les partenaires de développement. Elle pourrait être reconduite dans le futur pour évaluer l’évolution des connaissances, attitudes et comportements relatifs à l’égalité des genres dans l’action climatique au Tchad.

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