Partout dans le monde, des gouvernements commencent à intégrer des considérations relatives aux changements climatiques et à l’égalité des genres dans leur planification du développement. Cependant, ils ont tendance à traiter ces deux priorités stratégiques séparément, de sorte que le lien entre l’action climatique et le genre n’est pas pris en compte. Ceci les empêche d’identifier des solutions durables. Il existe donc un besoin urgent de se doter d’un mécanisme qui fasse le lien entre les spécialistes qui travaillent dans le domaine des changements climatiques et ceux qui travaillent dans le domaine de l’égalité des genres au sein des ministères et des institutions. Une collaboration étroite entre le ministère en charge de coordonner le processus de PNA et le ministère responsable de l’égalité des genres offre un point d’entrée pour commencer à briser les silos.
Nous nous sommes entretenus avec Jean Douglas Anaman, coordinateur du processus de PNA au ministère de l’Environnement et du Développement Durable pour mieux comprendre comment la Côte d’Ivoire a accéléré la collaboration entre les deux ministères, notamment afin d’améliorer son processus de PNA.
Depuis quand est-ce que vos ministères collaborent sur le nexus genre-climat et pourquoi était-il important pour vous d’améliorer la collaboration entre les deux ministères à cette étape du processus de PNA ?
La collaboration a débuté en 2018 lors du développement d’une analyse sur la prise en compte du genre dans le processus de PNA de la Côte d’Ivoire. Au début, c’était une collaboration très timide parce que les enjeux étaient encore flous. On ne savait pas comment aborder le sujet. La note a permis de mettre en évidence les enjeux et d’élaborer des pistes concrètes. C’est à partir de ce moment que la collaboration a pu progressivement gagner en intensité.
Qu’avez-vous mis en place pour améliorer la collaboration entre les deux ministères ?
En octobre 2021, presque trois ans après notre analyse sur le genre pour informer le processus de PNA, les ministres ont signé un mémorandum d’entente (MOU) visant à formaliser un engagement politique de haut niveau pour assurer la prise en compte systématique du nexus genre-climat dans les activités des deux ministères. C’est le premier MOU jamais signé entre ces ministères. Je dirais qu’il y a quatre grandes étapes qui ont permis d’en arriver là, grâce au soutien des partenaires techniques – notamment du Réseau mondial de PNA et du Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD).
La première étape est liée à l’analyse de genre de 2018 qui a permis d’établir un état des lieux des connaissances sur le nexus entre le genre et le climat. Puis, et c’est la deuxième étape, nous avons mis en place une Plateforme nationale genre et changements climatiques en 2020 pour regarder de très près ces évidences et en discuter régulièrement avec un plus grand nombre d’experts nationaux spécialisés sur les questions d’égalité des genres et de changements climatiques. La troisième étape, c’est le renforcement des capacités de ces acteurs nationaux pour mieux les outiller sur le nexus genre-climat. Puis en quatrième étape, ces experts se sont retrouvés à un atelier d’écriture pour travailler ensemble à développer une note de plaidoyer. La note de plaidoyer visait à présenter les enjeux sur le nexus genre-climat de façon très claire pour sensibiliser les ministres à la nécessité d’actions concrètes et coordonnées sur le nexus genre-climat, notamment à travers la signature d’un MOU. Ce document a ensuite été présenté aux directeurs de cabinet des deux ministres.
Comment est-ce que la collaboration entre les deux ministères vous aide à mieux prendre en compte les questions de genre dans l’action climatique en Côte d’Ivoire ?
Les enjeux sur le nexus genre-climat sont évidents, mais pour une action forte et pour aboutir à des résultats, il faut travailler différemment et de manière conjointe. Au fil du processus, nos discussions ont abouti au constat que si nous voulons arriver à une action commune et faire en sorte que le genre soit intégré de façon systématique dans toutes les politiques publiques, il faut rompre les silos et donner un signal fort, de haut niveau. La problématique est que les deux ministères travaillent de manière cloisonnée. Et pour pouvoir décloisonner, il était important de développer un MOU.
Ce MOU va porter toute l’action commune de ces deux ministères autour de trois axes principaux : 1) le développement de données et de connaissances ; 2) l’amélioration de la prise en compte du genre dans les politiques climatiques et sectorielles, et le financement ; et 3) le suivi et l’évaluation, et l’amélioration de la gouvernance.
Au niveau national, il y a beaucoup d’initiatives qui cherchent de plus en plus à intégrer les questions de changements climatiques et de genre. La signature du MOU constitue un engagement politique qui nous permet d’avoir un mot à dire sur la mobilisation du financement en matière du climat. Nous pensons que ce MOU est aussi un élément positif pour nous aider à mobiliser du financement au niveau international car il répond aux critères internationaux.
Qu’avez-vous appris sur la meilleure manière de collaborer entre les deux ministères pour améliorer la prise en compte des questions de genre dans l’action climatique ?
L’expérience du MOU m’a véritablement séduit parce qu’un MOU, une fois signé, on ne peut pas s’en dérober. Ce que je conseillerais aux pays, c’est de porter très tôt, et de façon régulière, les enjeux sur le nexus genre-climat auprès des ministères, pour être sûrs qu’à un moment donné les autorités s’engagent en connaissance de cause. C’est pourquoi le processus prend du temps. Il doit être éprouvé. On ne peut pas s’attendre à ce qu’en deux ou trois mois, on passe de l’idée de présenter un MOU à sa signature.
Il y a beaucoup d’activités qui ont précédé la signature du MOU – des consultations, des négociations, des mises en contexte des besoins – pour être sûrs de la faisabilité et de la durabilité. La différence avec d’autres MOU, c’est qu’à travers le processus mis en place, il y a eu une appropriation en interne, au niveau national, de la thématique et du MOU au sein des institutions. À présent, on s’y intéresse et on en discute à tout moment. Et comme tout ce processus a été suivi de bout en bout par les ministres, l’engagement de haut niveau est là pour finir. Le MOU sera retracé dans les rapports d’activité de ces deux ministères quand ils seront communiqués au gouvernement. Nous sommes en train d’explorer les options pour disséminer ce MOU plus largement au niveau national.
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