Comment la Côte d’Ivoire accélère la prise en compte du genre dans l’action climatique : Travailler avec des conseillers nationaux en genre

Un entretien de Julie Dekens avec Jean Douglas Anaman, coordinateur du processus de Plan national d’adaptation (PNA) au Ministère de l’Environnement et du Développement Durable de la Côte d’Ivoire

Nos recherches ont montré que la plupart des pays disposent de capacités en matière de genre – principalement dans les secteurs de l’agriculture et de la santé, où les rôles et les besoins des femmes et des hommes sont souvent fort différenciés. Or ces ressources restent souvent encore peu ou pas exploitées dans le contexte du processus de PNA. 

La Côte d’Ivoire montre l’exemple. Depuis janvier et juillet 2020 et grâce au soutien du Réseau mondial de PNA et du Fonds vert pour le climat (FVC) à travers le Programme des nations unies pour le développement, deux conseillers nationaux en genre ont été mis à disposition pour accompagner le Ministère de l’Environnement et du Développement Durable de la Côte d’Ivoire dans la prise en compte du genre dans l’action climatique. Comme le montre cette infographie, c’est l’un des jalons qui marque les nombreuses avancées faites par la Côte d’Ivoire dans le domaine depuis 2018.

Nous nous sommes entretenus avec Jean Douglas Anaman, coordinateur du processus de PNA au Ministère de l’Environnement et du Développement Durable, pour mieux comprendre comment le travail de ces deux conseillers contribue à améliorer le processus de PNA de la Côte d’Ivoire.

   
À quelle étape se situe la Côte D’Ivoire dans son processus de PNA et pourquoi était-il important pour vous de travailler sur le long terme avec plusieurs conseillers nationaux en genre à cette étape du processus ?
Jean Douglas Anaman, coordinateur du processus de PNA

En décembre 2018, nous avons finalisé, avec le soutien du Réseau mondial de PNA une analyse fournissant des recommandations pour intégrer les considérations de genre dans la proposition de financement du processus de PNA soumise au FVC. A ce moment-là, nos activités souffraient d’un manque de perspective en matière de genre mais nous n’avions pas encore envisagé de mettre en place ces postes de conseillers nationaux en genre.

C’est vrai que le Ministère avait déjà établi un point focal « genre et environnement » ainsi qu’une cellule « genre et inclusion sociale », et il est à féliciter. Mais le personnel manquait de capacités pour aborder la question transversale des changements climatiques.

Lorsque le FVC a approuvé, en février 2019, le financement de la proposition de la Côte d’Ivoire visant le développement du processus de PNA du pays durant la période 2019–2022, nous nous sommes rendus compte du rôle primordial que ces conseillers pourraient jouer en améliorant nos capacités et en nous outillant pour garantir l’inclusion systématique des questions de genre dans l’ensemble du processus.

 
Quel est le profil des deux conseillers nationaux en genre qui ont été mis à disposition pour accompagner votre ministère ? Avaient-ils déjà une expérience sur l’adaptation et le processus de PNA ?

Les deux conseillers nationaux en genre n’avaient pas d’expérience sur l’adaptation aux changements climatiques avant d’être engagés. Ils ont des profils différents mais complémentaires. L’un est très ancré sur les projets de développement communautaire, ce qui constitue un atout pour comprendre notamment les causes profondes de la vulnérabilité des acteurs locaux face aux changements climatiques. L’autre connaît très bien les différents mécanismes institutionnels, ce qui facilite l’engagement des parties prenantes.

Avec ces deux conseillers, nous avons maintenant huit personnes chargées de soutenir la prise en compte des questions de genre dans l’action climatique au sein du Ministère de l’Environnement. Cela peut sembler beaucoup mais nous avons appris que c’était vraiment nécessaire et justifié compte tenu de la charge de travail et des besoins en renforcement de capacités.

Plus dans cette série | Comment la Côte d’Ivoire accélère la prise en compte du genre dans l’action climatique : le renforcement des capacités des acteurs nationaux

Comment est-ce que ces conseillers nationaux en genre vous aident à mieux prendre en compte les questions de genre dans le processus de PNA ?

Les deux conseillers nous aident à renforcer nos capacités et compétences en matière d’égalité des genres. Par exemple, ils nous ont permis de faire émerger et de développer l’initiative sur le dialogue institutionnel genre-climat, et c’est un aboutissement direct du renforcement des capacités. Ce dialogue permettra aux acteurs de se connaître, d’échanger des informations, de développer un consensus et plus de cohérence dans la promotion de la cause.

Les conseillers nationaux en genre sont aussi impliqués dans les études de vulnérabilité qui vont éclairer l’identification des mesures d’adaptation prioritaires au niveau des secteurs les plus vulnérables. En particulier, on cherche à comprendre l’impact des aléas climatiques sur les femmes et les hommes dans ces secteurs.

 
Quelle différence est-ce que cela vous apporte de travailler avec ces experts en genre ? Pouvez-vous citez deux ou trois exemples concrets d’impact ?

Le travail avec les conseillers nous ouvre des perspectives que nous n’avions pas soupçonnées au début. L’impact va bien au-delà du cadre initialement défini.

Premièrement, le fait que l’on ait à disposition ces conseillers permet aux experts en genre du Ministère de l’Environnement de s’approprier la question des changements climatiques et d’aborder les liens entre le genre et le climat avec beaucoup plus d’aisance et efficacité.

Deuxièmement, puisque les conseillers nous accompagnent dans tout ce que nous faisons, nous regardons maintenant systématiquement le volet du genre, que ce soit en termes de financement, d’études ou de recrutement des consultants.

Troisièmement, la collaboration entre le Ministère de l’Environnement et le Ministère de la Femme ne cesse de s’accroître. À titre d’exemples, nous travaillons actuellement avec le Ministère de la Femme à actualiser la politique nationale sur le genre, notamment en veillant à prendre en compte le lien entre le genre et le climat, et à institutionnaliser toutes les cellules de genre qui existent au sein des ministères sectoriels. Le Ministère de la Femme nous voit désormais comme un partenaire clé. C’est un changement considérable depuis 2018. Mais il nous faut aller au-delà. Nous cherchons maintenant à garantir un processus de collaboration continu entre les deux ministères en termes d’échange de données et d’informations, de recherche de financements et de suivi et évaluation.

Dernièrement, notre équipe est maintenant sollicitée par différentes parties prenantes pour les aider à prendre en compte les liens entre le genre et le climat. Ces acteurs font appel à nous car ils nous font confiance. C’est un grand pas en avant pour la prise en compte du genre dans l’action climatique en Côte d’Ivoire à tous les niveaux.

Infographie : La prise en compte du genre dans l’action climatique en Côte d’Ivoire.
Pour voir plus d’infographies, cliquez ici.

Plus dans cette série | Comment la Côte d’Ivoire accélère la prise en compte du genre dans l’action climatique : la collaboration entre le ministère de l’Environnement et le ministère de la Femm

Qu’avez-vous appris sur la meilleure manière d’intégrer des experts nationaux en genre au sein des agences responsables de la coordination du processus de PNA ?

Dans le cas de la Côte d’Ivoire, notre point de départ était que nous n’avions pas d’expertise sur les liens entre le genre et le climat. Donc nous avons appris l’importance d’avoir au sein même de notre équipe des conseillers nationaux en genre pour nous aider à faire avancer cette thématique.

Nous avons constaté que les conseillers peuvent s’approprier progressivement les connaissances sur les questions d’adaptation et d’atténuation dans le cadre des différentes interactions avec les experts en matière de climat. Mais pour arriver à induire un changement durable dans les méthodes de travail, il faut que ces conseillers soient engagés sur le long terme, c’est-à-dire au moins six mois.

C’est en participant à tous les processus et en permettant à la cellule où ils sont engagés d’utiliser de nouvelles approches et de nouveaux outils qu’il y a une vraie valeur ajoutée.

 

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